PÉRIGNAC : LÉGENDE D'ARKARA

Les ouvriers de l’immense cité de l’Accueil sont vivement impressionnés par les prodiges accomplis par Mercéür pendant la nuit. Ils commencent à construire un quartier et le lendemain, celui-ci est déjà terminé. Le Maître de la mémoire n’aime pas qu’on l’observe lorsqu’il se concentre pour recréer des structures qui demandent une attention particulière comme des temples, des églises ou des châteaux. Lorsque les ouvriers quittent les lieux pour retourner à la maison, Mercéür se promène ici et là en compagnie d’Achiliam et de Minote pour choisir ce qui serait le mieux approprié comme choix de quartiers. Un soir, le contremaître lui demande si cette recherche est vraiment importante et le missionnaire lui fait un large sourire en lui demandant à son tour si les maisons closes, les lieux de supplices et les prisons sont nécessaires dans cette Cité? Il voit s’approcher un enfant en compagnie du géant Gad. Mercéür fixe alors son frère sans prononcer un seul mot bien qu’il l’ait reconnu au premier coup d’oeil. Minote et Achiliam réalisent que les Olympus communiquent mieux mentalement et surtout beaucoup plus rapidement que lorsqu’il faut utiliser des mots. Les visages prennent différentes expressions et finalement, le jeune prodige se jette dans les bras du missionnaire. Personne ne sait ce qu’ils viennent de se dire sauf que lorsque ceux-ci joignent leurs mains en se fixant dans les yeux, ils semblent soudainement troublés par une vision du futur puisque Ba-Fon dit malgré lui qu’il a peur d’être livré à Alba. Mercéür semble tout aussi effrayé que lui et retire rapidement ses mains comme pour mettre un terme à cette scène où il devra tenter de convaincre le divisionnaire du désir de son amitié en lui livrant l’Enfant de la lumière. Les Olympus possèdent ce pouvoir de voir des choses qu’ils aimeraient mieux parfois ignorer. Les deux frères n’ont pas souhaité être saisis à cet instant par cette scène du futur sauf que ce phénomène arrive toujours sans avertissement. Gad comprit que son fils accomplira un jour une mission sur Terre et qu’il sera livré à la secte d’Alba. Il possède ce don exceptionnel de lire au fond des cœurs et recule lentement même si son fils tente de changer la conversation dès qu’il comprend qu’il vient de dire quelque chose que le Connient n’oubliera jamais. Il est inutile de lui mentir et impossible de lui révéler également le contenu de sa mission. Ba-Fon préfère s’en retourner pendant que Mercéür secoue tristement la tête, convaincu que Gad a malheureusement réalisé qu’il devra laisser son fils accomplir son destin. La réaction spontanée de l’enfant risque tout de même de faire mourir de peine son pauvre père. Le géant marche doucement jusqu’à la maison en murmurant un air de son village. L’enfant sait que le Connient préfère chanter lorsqu’il refuse de parler et juge donc inutile de lui dire quelque chose malgré cette tristesse qu’il perçoit dans l’âme du teinturier. Une fois à la maison, Gad se couche et Ba-Fon préfère en faire autant en espérant que la nuit lui aidera à trouver les mots qui sauront faire comprendre à son père adoptif qu’il doit suivre sa voie même si cela lui blesse le cœur.

Il faut savoir que des êtres aussi doux et pacifiques que les Connients ne peuvent même pas imaginer une quelconque raison d’offrir son sang pour le bonheur des autres. Leurs frères sont morts piétinés par un monstre, victimes de sa haine. Pour les géants, Baa-Bouk et toutes les autres bêtes qui tuent des innocents ne tiennent pas compte du sang qu’elles versent et rien ne saurait les arrêter à moins d’une intervention comme lorsque Dorgon et les Luminatisiens rendirent Baa-Bouk inoffensif dans son enclos. Évidemment, Gad ignore pourquoi Ba-Fon doit faire boire son sang à Alba et s’imagine à tort que celui-ci à décidé de se laisser massacrer volontairement par le divisionnaire en entretenant cette vaine espérance que son sacrifice incitera les Terriens à se libérer de ce monstre par la suite. Il sait que les habitants de l’ancienne Cité de verre préférèrent se laisser manipuler par des menteurs et des profiteurs alors que Kana et Lemu furent rejetés malgré leur dévouement envers des endormis. Il se dit que si l’amour d’un être ne parvient pas à changer les cœurs, son sang versé ne servira qu’à justifier la colère de ceux qui ont cru en lui. Pour un Connient, donner sa vie aux autres, c’est apporter sa contribution pour maintenir l’harmonie autour de soi. Un géant ne croit pas à l’obéissance aveugle, ni à la soumission dans le sens de « se soumettre ». Pour lui, s’il y a une mission quelque part, elle demande des « sous-missionnaires » pour l’accomplir et non des soumis qui ne font qu’obéir aux ordres sans plus. C’est la raison pour laquelle la secte d’Alba fut incapable de posséder la moindre influence sur les Connients.

Ba-Fon ne parvient pas à trouver le sommeil et se lève sans faire de bruit. Il sort de la maison et va s’asseoir devant la rivière comme il l’a fait si souvent en compagnie de son père. Il se demande si Gad ne s’en voudra pas de s’être attaché à un enfant qui devra le quitter bientôt pour vivre en solitaire dans la hutte de Dorgon afin de mieux se préparer à sa mission sur Terre. Alors, il sera adulte à ce moment-là et pleinement maître de ses pouvoirs. Le garçon a déjà prévu retourner à Atlantis en compagnie d’un groupe d’ouvriers qui désirent y visiter de la famille. Minote devra même trouver un prétexte pour retenir le teinturier à Vaurec. Cette séparation est nécessaire sans quoi le pauvre géant deviendra malgré lui, un obstacle à la vocation de son fils. Il est évident qu’il ne cherchera jamais à lui nuire et encore moins l’empêcher de suivre sa voie même s’il l’aime comme un vrai père. Le jeune prodige a reçu de lui une solide éducation axée sur l’amour de la nature et le dévouement envers son prochain. Ce fut un apprentissage admirable sauf que Gad ne pourrait à présent lui enseigner ce qu’il ignore lui-même. C’est pour cela que le temps est venu pour eux de se séparer. Ba-Fon détourne lentement la tête et remarque alors la présence d’une ombre près de lui. Celle-ci se présente froidement comme la mort et désire simplement le prévenir de ne jamais tenter d’échapper à sa mission. L’enfant lui répond lentement qu’il n’a aucun conseil à recevoir de quelqu’un qui passerait inaperçu s’il ne provoquait la peur à son approche. La mort recule lentement en le prévenant tout de même qu’elle viendra le délivrer uniquement lorsque son heure sera arrivée. Elle ajoute qu’elle n’est l’ennemie de personne mais simplement celle qui guide les âmes confuses dans l’au-delà. Elle ajoute que si elle inspire la peur; elle n’y peut rien. L’ombre s’éloigne et Ba-Fon sait à présent qu’il arrivera un moment dans son cheminement où il sera tenté de reculer devant sa mission, sans quoi, la mort ne viendrait pas l’importuner.

Le lendemain matin, Gad travaille en silence dans son atelier lorsque Minote y entre en se disant vraiment bouleversé par un incident qui a ruiné les trois superbes voiles du temple. Ils sont tombés lorsque des ouvriers tentèrent d’installer une autre poutre de soutien dans l’enceinte principale. Le Grand-Prêtre ne ment pas puisque les voiles sont véritablement tombés et surtout trop sales pour tenter de les nettoyer. Il demande donc au géant s’il peut recommencer son travail et Gad lui répond qu’il le fera même si son cœur souhaiterait retourner à Atlantis où Ba-Fon y suivra des classes dans le temple royal. Minote trouve la réponse du géant assez étrange puisque des élèves ne sont pas admis à l’intérieur de la tour secrète. Il sourit tristement avant de soupirer. Décidément, si les voiles du temple se sont décrochés, le pauvre père de Ba-Fon semble, tant qu’à lui, décidé à s’accrocher à l’idée que le départ de l’Enfant de la lumière ne sera que temporaire. Du moins, c’est l’impression qu’il donne en parlant ainsi. Minote discute longuement avec lui pour finalement le convaincre que Ba-Fon est encore trop jeune pour quitter un père qu’il aime profondément sans éprouver malgré lui ce sentiment de l’abandonner. Gad opine de la tête lorsque le Grand-Prêtre lui propose d’encourager lui-même son fils à suivre le groupe d’ouvriers qui partiront vers la fin de l’avant-midi pour Atlantis. Le teinturier ne lui pose aucune question sur la mission de son fils. Un Connient n’aime pas se faire questionner et juge donc inutile de demander à Minote ce qu’il pense de l’incident de la veille.

Après le départ du religieux, le géant prépare un baluchon et le dépose affectueusement sur la couchette de son fils avant de retourner à ses teintures. L’enfant entre bientôt en tenant des plantes qu’il vient de cueillir pour son père. Lorsqu’il voit ses effets personnels déjà prêts pour son départ, il s’approche timidement de lui dans le but de le remercier pour sa compréhension. Gad rit maladroitement en lui montrant ses mains tachées et lui dit qu’il doit l’embrasser à distance pour éviter de salir la jolie tunique qu’il vient de lui offrir. L’enfant s’arrête et fait semblant d’ignorer que le Connient désire garder ses distances même s’il ricane et parle beaucoup pour masquer une profonde tristesse. Cela doit être sans doute normal après tout lorsqu’on vit une séparation. Gad lui dit qu’il a placé seulement quelques gommes à bulles dans son baluchon puisque les frères de son village natal lui en offriront une montagne lorsqu’il ira sans doute les visiter de temps en temps. Ils aiment bien leur petit géant Ba-Fon et s’ils lui demandent pourquoi son père n’est pas là, il faudra leur expliquer qu’une urgence le retient pour le moment à Vaurec. Le garçon lui promet d’aller les voir et surtout de bien leur expliquer cela. Le Connient s’essuie les mains sur son vêtement avant de les remettre dans une autre cuve pleine de teinture d’une autre couleur. Il travaille maladroitement car il n’arrive pas à se concentrer lorsqu’il voit son fils l’examiner d’un air complaisant. Il trouve même un prétexte pour devancer cette séparation lorsqu’il lui demande d’aller voir Minote et tous les charmants voisins pour les remercier de leur gentillesse avant son départ. Il n’aura plus alors qu’à venir chercher son baluchon lorsque le groupe sera prêt à se mettre en marche. Le garçon fait ce que lui demande son père et termine sa visite au temple où il pensait y trouver Mercéür. Celui-ci est déjà à Atlantis pour y discuter avec Phardate et Primus Tasal de ses prochaines missions sur Terre. Ba-Fon est attendu là-bas par la foule depuis que la rumeur circule que le jeune prodige vient s’installer dans ce canton. La popularité de l’Enfant de la lumière est telle que même les bulles lumineuses le surnomment : Christa, la pure lumière. C’est finalement le départ et Ba-Fon revient chercher son baluchon et surprend son père pleurer en travaillant. L’enfant lui retire une main de la cuve et l’entoure d’un morceau de linge et fait de même avec l’autre et ainsi le Connient ne pourra se servir du prétexte de ses mains tachées pour ne pas l’enlacer avant son départ. Le géant le garde dans ses bras un long moment sans dire un mot. Puis, lorsqu’il voit par la fenêtre une colonne de marcheurs se rapprocher, il dépose l’enfant sur le sol et lui demande de ne pas oublier sa licorne sculptée qu’il a déposée près de son baluchon. Ba-Fon lui promet de revenir le voir bientôt et Gad lui sourit en disant que son petit géant va grandir mais toujours demeurer à ses yeux son petit Ba-Fon.

Sous la Tour royale, Mercéür raconte à Primus Tasal et Phardate l’horrible vision qu’il a faite avec Ba-Fon et le singe est obligé de lui dire qu’elle est vraisemblablement ce qui va se dérouler à la fin du règne du terrible divisionnaire. Le missionnaire lui répond que l’Enfant de la lumière est son frère et qu’il n’osera jamais le violenter comme cela se passe dans ce véritable cauchemar. Le singe lui demande s’il connaît une méthode plus pacifique pour démontrer à Alba qu’il peut être aussi cruel que lui? Mais pour l’instant, il doit retourner en mission où il se retrouvera en compagnie de son jumeau Mêléüs. Celui-ci vient de vivre deux aventures importantes et surtout très éloignées l’une de l’autre dans le temps. Il est apparut sur Terre à la fin des civilisations où des survivants alors établis sur la lune revinrent bâtir des cités dans lesquelles l’Homme n’y était malheureusement plus le maître. (Cette aventure est racontée dans : Mêléüs et les cités de 2200.) Puis Mêléüs vécut à l’époque de la grande bibliothèque d’Alexandrie en Égypte. ( Cette aventure est racontée dans : Mêléüs et les sages d’Alexandrie.) Dans cette mission, il dû se servir du miroir de vérité pour pratiquer un véritable coup de maître et réalisa à sa grande surprise qu’il vivrait à l’époque des dinosaures dans une « future mission » où sa tâche sera de protéger un œuf fort précieux contre ces bêtes de la préhistoire. C’est donc lui-même qui lui fera traverser le temps en se le confiant tout simplement pendant sa mission à Alexandrie où il possèdera justement le miroir de vérité pour accomplir ce prodige. Pas surprenant que son nom de mission soit « Mêléüs »! Il va sans dire que celui-ci ne passera pas beaucoup de temps avec son jumeau dans sa prochaine mission puisqu’il devra évidemment le quitter pour être projeté justement dans le monde des dinosaures. ( Cette aventure est racontée dans : Un monde vraiment étrange.) Comme de raison, Mercéür et Anak vont travailler ensemble sans pour autant se souvenir de leur véritable identité justement à cause de cette fichue mémoire qui leur fait défaut lorsqu’ils sont missionnaires sur Terre.

Primus Tasal prévient Mercéür qu’il rencontrera Midinibus au cours des quatre-vingt-quatre années qu’il passera au XXe siècle. Toutefois, il devra se montrer fort discret pour ne pas éveiller des souvenirs au conteur dont la mission est d’écrire l’histoire des Arkariens. Phardate enchérit en lui disant que la légende Dairel a été écrite dans la forêt enchantée par Midinibus et révisée par le Maître du destin. Il a donc été facile à son ami Primus Tasal de lui en faire présent. La secte d’Alba aimerait bien laisser croire aux Terriens que son Maître est un immortel qui mérite le respect sauf que Midinibus ne se montrera pas aussi tendre avec Alba lorsqu’il écrira la Légende d’Arkara en utilisant le pseudonyme de Pérignac. Ce nom peut également signifier : paire ignée, le double feu. Ce conteur veut ainsi laisser entendre qu’il recherche ce feu de vérité voilé souvent par l’ombre ou la lumière. Après cette rencontre secrète, Mercéür retourna dans le couloir intemporel à l’instant même où il venait de quitter l’époque de Jésus. Le côté pratique de ce passage lumineux est justement de pouvoir revenir à un moment précis dans le temps pour ensuite continuer sa mission. Ainsi, même si le missionnaire passa plusieurs mois sur son îlot intemporel et autant sur Arkara afin de se reposer, il reprend son voyage en donnant l’impression qu’il n’y eu aucun moment d’arrêt entre ses deux missions. Fontaimé (Mercéür) a quitté l’époque de Jésus encore vêtu d’un costume emprunté à un centurion et arrive en Normandie. De son côté, Mêléüs (Anak) va également s’y retrouver, vêtu évidemment dans un costume qui date de l’époque d’Alexandrie. Les deux missionnaires arrivent séparément dans un cimetière normand en 1952. Ce qu’ils ignorent à cause de leur mémoire défaillante, c’est que le couple de charmants cultivateurs qui deviennent leurs hôtes sont Adamas et Gracia. Comme tous les anciens fautifs, ils pensent avoir oublié leur origine arkarienne ou du moins, font-il semblant de l’ignorer. ( Cette aventure est racontée dans : Les jumeaux identiques.)

Le canton d’Atlantis est en fête depuis le retour de l’Enfant de la lumière. Ba-Fon souhaiterait moins d’attention de la part de ceux qui le considèrent au même rang que le Cœur royal et le Maître du destin. Ils se trompent à son sujet puisque si le Cœur fantastique possède ce pouvoir d’éclairer son royaume, Ba-Fon détient à lui seul l’essence de la Lumière originelle. Cela signifie qu’il est en mesure de rayonner non seulement sur une planète mais dans tout un univers comme le soleil. La foule l’accompagne partout pendant un certain temps jusqu’au moment où l’enfant leur annonce qu’il doit maintenant se préparer à sa mission qui délivrera les Terriens de l’odeur laissée par Baa-Bouk et surtout son représentant. Le peuple est en mesure de comprendre par expérience ce qu’un être comme Alba peut arriver à faire sur Terre en détruisant à petit feu la communauté humaine pour tuer dans l’œuf le goût du partage et de la solidarité qui essaie de grandir dans les cœurs. L’enfant ajoute que le peuple arkarien a grandement évolué depuis que le divisionnaire n’est plus là pour constamment semer les graines de la discorde entre les habitants. Le seul fautif qui ne reviendra jamais reprendre sa place sur Arkara est ce monstre qui jouit du malheur qu’il entretient autour de soi. La place d’Alba n’est plus dans un monde quelconque mais là où personne ne le verra, ne l’entendra, ne le sentira, ni ne le craindra et surtout, n’aura aucun intérêt à le suivre. Il ne sera ni ici, ni ailleurs mais perdu ou peut-être même « nulle part » dans ce néant qui lui ressemble. Ba-Fon ne cesse de répéter qu’il aura besoin de l’amour de chacun pour vaincre un jour ce divisionnaire. Dans le plan initial de Primus Tasal, il faut qu’Alba sache que Ba-Fon a fermement l’intention de réparer le tort causé par Baa-Bouk aux Terriens en éliminant non seulement son odeur malsaine qu’il a laissée sur cette planète, mais surtout museler celui qui prétend agir en son nom. Le divisionnaire craindra malgré lui l’enfant qui s’est retrouvé dans la tête du monstre puisque Ba-Fon n’hésitera pas à se présenter comme le bon Baa-Bouk s’il parvient évidemment à prêcher cela sur Terre. Il va sans dire que celui qui se prétend l’héritier du monstre noir n’a surtout pas l’intention de respecter son « ancien Maître » si celui-ci osait se prétendre comme tel devant lui. C’est exactement comme si le diable devenait bon un jour et exigerait dès lors que ses dévots se convertissent à l’amour s’ils veulent lui obéir. Alba se prétend le serviteur de Baa-Bouk sauf qu’il serait le premier à le renier et surtout à le faire périr plutôt que perdre son emprise sur ses fidèles soumis.

Ba-Fon s’est retiré au sommet de la montagne où l’ancienne hutte du Maître Dorgon conserve toujours l’énergie de l’illustre protecteur des Arkariens. Le peuple possède tout de même un signe permanent de l’Enfant de la lumière depuis qu’il a posé ses mains sur un rocher situé entre le village des Paysans et celui des Connients. L’empreinte lumineuse incrustée est même visible la nuit. Le jeune Maître a prédit aux Arkariens qu’ils verront du sang sortir de ses mains lorsqu’il aura enfin vaincu Alba. Personne ne sait exactement comment interpréter cette prophétie; dans le sens d’une fin tragique pour Ba-Fon ou plutôt d’une manière figurative. Quelques mois plus tard, le peuple apprend le décès du géant Gad. La Belle-Chimo vient se poser devant la hutte pour demander à Ba-Fon s’il accepte de voyager sur son dos pour se rendre à Vaurec et ainsi s’éviter un bain de foule. L’enfant attristé opine de la tête en tenant fermement la petite licorne sculptée sur sa poitrine. Il vient à peine de découvrir sous celle-ci le dessin d’un papillon que son père a dessiné, à son insu, le jour même de son départ. Sa dernière volonté semble très claire en ce qui concerne son fils adoptif : « Ne me ressuscite pas; souviens-toi de la chenille qui doit devenir un papillon. » C’est cela que le teinturier tenait à lui transmettre avant que l’enfant décide de le ramener à la vie en s’imaginant bien faire. Ba-Fon se rend au temple de Vaurec où le géant semble dormir sur un lit de fleurs. L’enfant vient embrasser son père sur le front et lui ouvre une main pour y placer quelques gommes à bulles en pleurant à chaudes larmes. Phardate, Minote, Achiliam, Osis et plusieurs Connients pleurent également en serrant l’enfant dans leurs bras. Ba-Fon demande alors à Minote s’il serait de circonstance que le premier géant à vivre à Vaurec soit toujours conservé intact sur son lit fleuri? Le Grand-Prêtre interroge Phardate du regard et celui-ci opine d’un signe de tête affirmatif. L’enfant de la lumière pose alors ses mains sur le corps qui demeurera incorruptible à tout jamais. Puis, tel que promis à leur frère teinturier, plusieurs Connients viennent s’établir à Vaurec dans le village de Gad et contrairement à leurs habitudes de ne rien étiqueter, certains lui donnent également le nom : Gadébafond puisque l’atelier où y vécurent le célèbre géant et son fils exceptionnel se trouve au cœur du joli bourg connient. Il ne contient plus de teintures depuis qu’il a été prouvé sans l’ombre d’un doute que ce sont les émanations extrêmement nocives de celles-ci qui empoisonnèrent progressivement Gad lorsqu’il les faisait bouillir dans son petit atelier. Depuis ce jour, même si les teinturiers travaillent uniquement à l’extérieur pour mieux se protéger contre les vapeurs toxiques, leur métier demeure tout de même dangereux du fait que ces fichues teintures qui pénètrent toujours dans la peau s’avèrent également très néfastes.

Le Maître du destin apparaît régulièrement à son frère puisque c’est lui-même qui le guidera vers sa mission en le conduisant dans le monde originel où s’y trouve la source de toute chose. Ba-Fon y renoue ses liens avec son lieu d’origine et s’y imbibe totalement afin que personne ne puisse ensuite lui faire douter de son origine comme l’Enfant de la lumière. Son frère sait que le sang qui coule à présent dans les veines de Ba-Fon est devenu si pur et originel par conséquent que le divisionnaire aura l’impression de boire le meilleur vin au monde même s’il agira comme un poison pour la bête qu’il est devenu. Un jour, notre jeune ermite a aussi le plaisir d’accueillir Anak qui vient à peine de terminer ses missions. Sans l’avouer ouvertement, Ba-Fon est surtout très ravi que ce missionnaire se présente à lui dans son corps d’enfant, fièrement juché sur la magnifique licorne fantastique. Qu’on le veuille ou non, l’Enfant de la lumière n’a jamais eu de compagnon de son âge pour lui tenir compagnie. Cela n’a aucune importance si son ami n’est jeune qu’en apparence seulement puisqu’il est jovial, espiègle depuis toujours, tout en étant un sage conseiller. Tous les deux savent très bien qu’ils ne sont pas des enfants comme les autres mais aiment se considérer comme tels lorsqu’ils voyagent côte-à-côte au dessus du canton d’Atlantis. Ba-Fon sur Belle-Chimo, et Anak sur Anima; ainsi juchés, les jeunes cavaliers donnent vraiment l’impression de flâner bien qu’ils échangent leurs points de vue sur tout ce qui existe ou s’interrogent sur différents sujets. Anak est vraiment le spécialiste des mentalités terriennes et prépare donc Ba-Fon à sa grande mission salvatrice sur Terre.

De son côté, Mercéür revient également de ses missions et peuple son îlot de ses beaux souvenirs avant de revenir sur Arkara. Il a encore connu toutes sortes de mésaventures surprenantes et surtout assez convaincantes pour démontrer aux espions d’Alba qu’il mérite de plus en plus son titre d’insensé. Il s’est d’abord présenté comme un parapsychologue de dernière classe, et même attiré les médias sur lui en prétendant avoir transformé un chien en véritable lord Anglais (Paichel et Lord Walter Bacon). Ensuite, il s’est porté au secours d’extra-terrestres qui tentaient de retourner sur la planète Mercure (Paichel et la reine de Mercure.) Comme si cela n’était pas suffisant pour édifier sa solide réputation d’imbécile, il se retrouva dans une aventure en compagnie d’un chérubin et d’un petit diable (Paichel et les anges fugueurs.) Finalement, les seules missions sensées pour le commun des mortels sont racontées dans (L’école de l’Outapran ) ainsi que (Les nains Quisitors.) Le missionnaire termina même ses jours dans une institution psychiatrique en compagnie de charmants pensionnaires où le premier se prenait pour le Père Noël, le deuxième pour Jules Verne et enfin, une dame qui se disait la réincarnation de Nostradamus! (Cette aventure est racontée dans : Les amis de Paichel.) Si quelques doutes persistent encore, le conteur Midinibus de son côté, n’a pas hésité à léguer aux Terriens toute une série d’aventures des plus burlesques pour qu’ils s’en amusent gentiment. L’important dans tout cela était de satisfaire aux exigences du plan de Primus Tasal puisque celui-ci est vraiment fier de son ami. Il aimerait à présent que Mercéür l’aide à créer un musée à Vaurec. Le but est de rappeler pour toujours aux anciens fautifs et même à ceux qui n’ont pas eu à vivre leurs épreuves qu’il faut toujours rechercher la paix si l’on ne veut pas subir toutes ces calamités qui découlent des conflits de toutes sortes. Mercéür et son compagnon voyagent dans les différentes époques terrestres et rapportent d’innombrables articles ayant servi à faire la guerre de toutes les manières possibles; ils ont rapporté également des millions de photos qui témoigneront d’elles-mêmes. Les deux collectionneurs veulent accorder une place de choix dans le vaste musée pour la créativité, les découvertes et pour tout ce qui a un lien avec la beauté de l’intelligence lorsque celle-ci est utilisée pour faire grandir l’Humanité.

Le temps passe et Ba-Fon est déjà devenu un homme accompli. Il ne vit à présent que pour cet instant où Alba devra logiquement tomber dans le piège tendu par Primus Tasal et ses amis. Mercéür se dit également prêt à jouer son dernier rôle sur Terre, sauf qu’une seule vision de cette dernière scène lui apporte tellement d’effroi que des sueurs de sang l’inondent. Ces visions sanguinaires le hantent constamment comme la scène d’un cauchemar qui se termine toujours par ce rituel où la victime sera son frère Ba-Fon. Le pauvre missionnaire ignore vraiment s’il parviendra à tenir ce rôle de tortionnaire, lui qui respecte tellement la nature et les êtres vivants! Il craint de succomber à cette tentation d’alléger les souffrances de son prisonnier lorsque le temps sera venu pour lui de prouver à Alba qu’il est devenu aussi haineux et destructeur que lui. En fait, il devra le convaincre d’être obsédé par l’esprit de vengeance depuis qu’il réalise que le Maître du destin a cherché à le tenir à l’écart pendant tout ce temps en le rendant amnésique. Sa colère devra être terrible s’il veut laisser croire au divisionnaire qu’il a décidé de lui livrer son propre frère, son propre sang, soit l’Enfant de la lumière pour empêcher celui-ci d’hériter de la Terre alors que lui-même dû se contenter d’y accomplir de simples missions complètement insensées. Mercéür sait parfaitement que ses moindres gestes devront prouver sans l’ombre d’un doute qu’il méprise Ba-Fon, le jalouse, et surtout qu’il souhaite le sacrifier au plus tôt après l’avoir humilié, torturé et offert en offrande à celui qui jouira du mal qu’il lui fait endurer. Alba connaît la bonté de Mercéür. Il est si méfiant que le tortionnaire perdra sa confiance à la moindre hésitation de sa part. Si cela arrive, non seulement Ba-Fon aura souffert pour rien, mais il en sera fini de la libération des Terriens qui devront alors supporter à tout jamais le Maître du mal sur leur planète. Une telle mise en scène pour conduire Alba à sa perte est indispensable même si Mercéür souhaiterait de son toute âme découvrir une autre solution salvatrice mais il n’y en a point. Il se sent exactement comme la brebis soumise à un destin qui veut lui faire tenir le pire rôle qu’on puisse imposer au point tel où il préférerait mille fois en être la victime! N’est-ce pas lui en toute vérité qui se trouve à l’origine de ce monstrueux immortel et non Ba-Fon? C’est cela qui lui fait le plus mal : même si l’inconscience se pardonne, son résultat n’en demeure pas moins dramatique.

Primus Tasal et Mercéür ont apporté des milliers d’articles pour meubler le musée dont l’aspect final ressemble en touts points, au célèbre château de Versailles et ses vastes jardins. Plus loin se trouve un immense champ rempli de monstruosités mécaniques, allant du char d’assaut jusqu’aux avions de combats. Il arriva alors un incident malheureux lorsque Mercéür tenta de freiner l’allure d’un tank allemand qui venait à peine de sortir d’une usine selon son ami le singe. Le pauvre conducteur qui sortit du couloir lumineux aux commandes de ce gros tas de ferraille réalisa rapidement que l’engin accélérait quoi qu’il fasse pour tenter de couper le contact dès qu’il vit que le frein avait été saboté. Il sauta en dehors du véhicule et c’est Belle-Chimo qui dut réduire le tank en pièces. À la grande surprise des collectionneurs, les chenilles métalliques refusèrent encore de s’arrêter même si la logique est là pour dire que cela n’a aucun sens! La dragonne les fit éclater par son feu terrible et réduisit en cendre tous les morceaux du tank qui dataient de la deuxième guerre mondiale terrestre. Selon Primus Tasal, la secte d’Alba s’est servi de lui pour introduire ce char d’assaut modifié pour justement refuser de s’arrêter une fois sur Arkara. Le singe préféra alors inspecter tous les articles du musée et découvrit avec horreur qu’un missile nucléaire se trouvait dissimulé dans la carlingue d’un vieil avion de la première guerre mondiale. Cet appareil paraissait vraiment inoffensif et démodé parmi les jets supersoniques sauf qu’à présent, nos deux amis ne voulurent prendre aucun risque inutile et retournèrent tous les monstres guerriers à leurs points d’origines.

Quelques jours plus tard, Mercéür se rend dans le canton d’Atlantis et demande étrangement à un Paysan où se trouve l’ancienne demeure du seigneur Alba. L’autre rit de bon cœur avant de répondre que cela est plutôt amusant de se faire poser une telle question par celui qui a passé une grande partie de sa vie au domaine du sinistre divisionnaire! Mais le visiteur trouve son humour déplaisant et le saisit au collet avant de lui reposer froidement la question. Le Paysan le regarde d’un air apeuré pour ensuite balbutier l’information demandée. Il se fait finalement repousser violemment par Mercéür. L’attitude de celui-ci le surprend tellement que le villageois s’empresse d’aller raconter à Phardate sa mésaventure. Le nain est inquiet d’apprendre cela puisqu’il vient à peine de voir son ami passer devant lui sans même prendre le temps de le saluer avant de poursuivre son chemin. Au même instant, un jeune Connient arrive en pleurant pour raconter avoir été frappé par Mercéür qui lui déroba ensuite ses patins à roulettes. Il lui demanda également si l’ancienne caverne du monstre était loin de là et descendit rapidement sur la longue piste dans le but de se rendre sans doute à cet endroit en roulant sur celle-ci. Phardate a une idée de ce qui se passe et préfère utiliser son glaçon magique pour se retrouver l’instant d’après devant la vieille maison abandonnée depuis le départ d’Alba. Il y entre prudemment et découvre une trappe ouverte dans le plancher de l’une des vastes pièces vides de cette lugubre demeure. Mercéür remonte de la cave en tenant une poche remplie de bouteilles de vins. Le nain lui sourit et lui demande ce qu’il désire faire de ces bouteilles qui contiennent sans doute quelque chose qui intéresse Alba? Ayant deviné que cette forme devant lui n’est pas son ami, Phardate ordonne ensuite à l’étranger de déposer son butin sur le plancher et de quitter les lieux sur le champ mais l’autre préfère fuir dans la cave avec son trésor. Le chef des Croucounains entend alors un cri délirant provenant du caveau puis sent ensuite une odeur infecte s’échapper de la trappe encore ouverte. Il se pince les narines et place son glaçon lumineux dans le trou. Il voit alors une sorte de masse fumante sur le sol qui semble encore tenir une bouteille vidée de son contenu par l’imposteur. Sans doute son Maître lui a-t-il ordonné de boire ce poison dans le cas où quelqu’un l’empêcherait d’accomplir sa mission? C’est plus que probable et le nain s’empresse alors de refermer la trappe avant que l’odeur ne l’oblige à vomir. Il sort de la maison et demande à son guide lumineux de le conduire cette fois dans la caverne de l’ancien monstre noir. Il arrive juste à temps pour surprendre encore un autre faux Mercéür à déplacer une pierre qui dissimulait une petite crevasse dans le mur. Celle-ci était remplie de poils noirs du monstre Baa-Bouk. L’étranger lance aussitôt la pierre au Grand-Prêtre et voit celle-ci tomber en poussière avant de l’atteindre. Il cherche alors à se saisir du nain puissant et découvre l’effet d’un coup croucounain lorsque Phardate dresse son petit poing devant son visage. Même le mutant Polar fut incapable d’échapper à ce punch invisible mais radical. Le nain regarde le faux Mercéür s’écrouler devant lui, commencer à se décomposer et puer comme son sosie enfermé dans la cave.

Il est clair à présent que la secte d’Alba est en mesure d’introduire clandestinement sur la planète des formes-pensées qui possèdent malheureusement cette faculté de se matérialiser en quelqu’un en particulier. Une dizaine de sosies de Mercéür se promènent dans les deux cantons jusqu’au moment où Belle-Chimo les traque sans merci avec l’aide des renards. Ceux-ci possèdent un odorat encore plus développé que les autres animaux arkariens et ne tardent pas à flairer la présence des envahisseurs. Le seul endroit où les fugitifs ne risquent pas de s’y faire découvrir par les goupils est l’ancienne Cité de verre. Les petites bêtes refusent d’y mettre les pattes et la dragonne doit se contenter de survoler les ruines en attendant l’intervention de Ba-Fon. Il est le seul à pouvoir faire disparaître ces formes-pensées de manière à les retourner à ceux qui les ont créés. L’Enfant de la lumière se promène dans les ruines et bientôt un spectre lumineux sort d’une tour tordue et prévient son libérateur de ne pas se souiller d’une tâche qu’il accomplira à sa place en dévorant des énergies qu’il saura digérer mieux que lui. Le fantôme de Myotis veut simplement lui faire comprendre que les formes-pensées négatives vont tenter de laisser leur odeur infecte sur lui alors qu’elles ne pourront salir davantage celui qui fut si bête autrefois. Il supplie alors Ba-Fon de s’éloigner et de conserver sa pureté puisqu’il va lui-même éliminer les envahisseurs qui se cachent dans l’ancienne serre de la Cité. Myotis part sans attendre la réponse du puissant Maître qui lui a pardonné ses égarements et veut par son geste lui témoigner simplement sa reconnaissance. Les formes-pensées frissonnent en voyant le fantôme arrogant les traverser en mimant le geste de les dévorer. Le spectre pâlit à vue d’œil, souillé par l’énergie malsaine de ses ennemis. Finalement, il ne reste bientôt qu’un tas de déchets sur le sol. Il est certain que les créateurs de ces faux Mercéür ont ressenti l’effroyable énergie dégagée par Myotis et surtout deviné que l’ancien dirigeant de la secte s’est converti à la lumière.

Primus Tasal a finalement découvert comment les sosies de son ami collectionneur sont parvenus à s’introduire sur Arkara. Mercéür a transporté douze grands miroirs empruntés à l’époque de la Renaissance et cru normal de pouvoir se mirer sur ceux-ci lorsqu’il les sortit du couloir lumineux. Pour le singe assez futé de nature, il suffisait simplement à la secte de créer des formes-pensées vraiment identiques à Mercéür pour ainsi tromper la vigilance de celui-ci lorsqu’il se vit tout bonnement sur chaque miroir qu’il rangea dans le musée. Évidemment, les sosies n’étaient que des énergies temporaires, minces comme des feuilles de papiers et pour ainsi dire, collées sur les miroirs. Elles pouvaient cependant mimer les expressions du visage du collectionneur et prendre forme grâce à un principe très simple qui arrive lorsque des voyageurs utilisent le couloir intemporel. Il faut savoir que celui-ci agit exactement comme un téléporteur en transformant en ondes les atomes des voyageurs. Ils deviennent lumineux lorsqu’ils voyagent dans le temps avant de reprendre forme en sortant du couloir. C’est à ce moment que le pauvre Mercéür a permis malgré lui aux énergies d’emprunter exactement son « moule biologique » si on peut s’exprimer ainsi pour se matérialiser au moment voulu avec toutes les apparences physiques du missionnaire. Une chose demeure certaine dans l’esprit de Primus Tasal : La secte maudite peut matérialiser des énergies pour leur faire accomplir des actes terroristes. Si les scientifiques trouvent exceptionnels à une certaine époque de pouvoir cloner des humains, ils sont incapables de comprendre comment les dévots d’Alba parviennent à réaliser cela sans devoir se servir de la génétique. Les formes-pensées sont des sortes de golems ou morts-vivants qui n’ont qu’une vie animée puisque leur nature s’apparente davantage à des énergies empruntées à des corps en décompositions. Voilà pourquoi ceux-ci pourrissent rapidement avant de disparaître. Cette vaine tentative pour récupérer sa réserve secrète d’élixir de vin va obliger le divisionnaire à compter une fois de plus sur son ancien donneur s’il désire rajeunir son vieux corps malade.

Anak doit retourner sur Terre pour y accomplir une courte mission et son ami Ba-Fon lui demande s’il peut l’accompagner puisqu’il s’agit pour lui d’une occasion idéale de visiter secrètement cette planète avant d’y être livré au divisionnaire. Anak n’est pas convaincu que cela est une bonne idée de se laisser accompagner par l’Enfant de la lumière par crainte sans doute d’attirer l’attention des dévots d’Alba. Primus Tasal serait de son avis sauf que Ba-Fon est libre d’agir comme bon lui semble. Le missionnaire lui explique qu’il a découvert à l’époque des dinosaures, un œuf qui contenait les premiers gênes humanoïdes de cette planète. Craignant de voir les bêtes détruire cette fragile évolution humaine, il parvint à faire traverser cet œuf à l’époque d’Alexandrie grâce au miroir de vérité. Au cours de cette mission en l’an 270 après J.-C., il aida également un groupe d’esclaves à fuir la cité et réalisa que l’une des femmes était pilote d’un navire spatial. Déjà à cette époque, des extra-terrestres connaissaient non seulement la Terre, mais possédaient plusieurs colonies à travers le monde. Les Ouarsiens pour être plus précis, sont pacifiques et plusieurs d’entre eux sont nés sur Terre comme cette femme qui disait s’appeler Etna. Il fallait que l’œuf précieux soit couvé encore mille ans avant d’éclore. C’est pour cela que la jeune pilote accepta de le confier aux scientifiques ouarsiens pour qu’ils le gardent dans un incubateur au cours des siècles à venir et jusqu’au retour du missionnaire prévu à deux kilomètres du Caire le cinq septembre à midi de l’an 1270 après J.-C. Mêléüs et Etna devinrent amoureux l’un de l’autre et lorsque la jeune femme avoua qu’elle aurait un fils de leur union, le pauvre missionnaire trouva encore plus difficile d’accepter de la voir retourner sans lui auprès des siens. Etna tenait à donner le prénom d’Alexandre à son fils en mémoire de celui qui la libéra lorsqu’elle était maintenue prisonnière à Alexandrie par un marchand d’esclaves. La mission d’Anak est simplement d’aller reprendre cet œuf et de le jeter dans le couloir intemporel qui le fera éclore au début de l’Humanité. Ce que nos deux voyageurs ignorent en arrivant dans la région du Caire, c’est que les Ouarsiens arrivent au rendez-vous pour alors réaliser que l’œuf n’est plus dans leur navire spatial. Il se trouve entre les mains d’une petite commune d’Alba mais nos deux amis sauront toutefois le reprendre pour accomplir leur mission. Mêléüs et Ba-Fon vont ensuite voyager en Égypte et surtout en France où ils feront partie d’une troupe de théâtre ambulante. ( Cette aventure est racontée dans : Mêléüs et son écuyer Ba-Fon.)

Dans le temple de Vaurec se trouvent une vingtaine de corps enfermés dans des cocons lumineux et prêts à recevoir un premier groupe d’Entités qui perdirent jadis leurs fleurs de cristal. Bientôt, les prêtresses et Grands-Prêtres tendent les mains vers les momies qui deviennent givrées pour ensuite fondre rapidement en libérant les nouveaux-nés. C’est le nom qu’ils donnent à présent aux anciens fautifs qui ont terminé leur exode sur Terre. Les corps s’animent sauf qu’il est encore trop tôt pour voir les premiers arrivants se réjouir de leur retour. Ils sont si confus que les prêtresses doivent elles-mêmes les aider à boire l’eau de fée, celle qui éclaircie les idées, qui fait retrouver la mémoire et qui libère les âmes de leur confusion temporaire. Un jeune homme sourit alors à une jeune femme et se prennent tout bonnement par la main puisqu’ils viennent de se reconnaître. Adamas et Gracia se souviennent à présent de leur vie sur Arkara et les autres nouveaux-nés sont également émus en réalisant que plusieurs souvenirs reviennent en surface. Tout de même, des images terrifiantes de la cité de verre viennent les hanter sans qu’ils puissent s’empêcher de pleurer et frémir d’effroi. Si le Maître du destin a voulu conserver les ruines fondues sur la nouvelle planète, c’était justement pour servir à exorciser cette peur inconsciente d’une cité qui n’est plus qu’un mauvais souvenir au même titre que le monstre Baa-Bouk. Le peuple a vu le squelette de la bête noire et cessé du même coup d’entretenir des fausses peurs à son sujet. Il faut à présent que les nouveaux-nés voient à leur tour ce qui reste de l’ancienne gloire d’Alba afin de se libérer de ce cauchemar. Minote et quelques prêtresses accompagnent ce premier groupe d’immigrants vers l’ancien site en espérant qu’ils accepteront de le visiter une fois là-bas. Il existe de fortes probabilités pour que certains y découvrent leurs anciens corps toujours pétrifiés dans le verre fondu, sauf que cela est plutôt rare pour une Entité d’avoir l’occasion de revoir l’enveloppe qu’elle possédait des milliers d’années auparavant. L’expérience sera rude mais salutaire si les nouveaux-nés prennent finalement conscience qu’ils ne sont plus d’anciens fautifs à présent. Comme l’avait deviné Minote, la vue de l’ancienne cité qu’on appelait également « Souvenance », suscite de vives réactions parmi les visiteurs, voire même des peurs hystériques chez certains au fur et à mesure que le cortège se rapproche des sinistres ruines. Les cris et les pleurs ne peuvent cependant retenir l’envie de ceux qui désirent tout de même retourner bientôt à Atlantis dans un nouveau corps, un nouveau cœur et dans une nouvelle vie. Étrangement, le spectre de Myotis ne hante plus ces lieux. L’ancien mutant sait qu’il doit poursuivre son évolution dans l’univers infini et personne ne peut dire avec certitude où son destin l’a conduit pour le moment. Il est même possible que l’Entité se soit retrouvée sur la planète des Dorgonais, ainsi appelée en mémoire de Dorgon et où la vie a bien évolué depuis l’époque des carnivores.

Après ce réveil assez brutal dans l’ancienne cité mortuaire, les nouveaux-nés découvrent bientôt l’immense cité de l’accueil où ils sont dirigés dans différents quartiers selon l’époque où ils ont vécu sur Terre. Adamas et Gracia se retrouvent dans un joli village normand et sourient en voyant la maison où ils reçurent un jour la visite des missionnaires, Fontaimé et Mêléüs Denlar Paichel en 1952. Toutefois, le jeune couple n’est pas assez naïf pour se laisser illusionner par ce décor et profite plutôt du temps qu’il devra y demeurer pour se connaître davantage. Les habitants de Vaurec sont autorisés à venir s’entretenir avec leurs voisins de jadis et se trouvent ridicules de ne pas les reconnaître. Il est vrai que les immigrants ont bien changé dans le vrai sens du mot : ils sont Terriens, portent toutes sortes de costumes et parlent des langues inconnues en attendant de réapprendre l’arkarien. Ils savourent d’ailleurs ces mots qui éveillent en eux de si beaux souvenirs. Après un certain temps, les nouveaux-nés quittent la cité, rencontrent les habitants, partagent leurs repas et remplissent ensuite leurs charrettes de meubles, lingerie et articles divers que leur offre la population. Il est temps pour eux de retourner à Atlantis et c’est Achiliam qui les guide à travers cette vallée qui a tant changé que les anciens fautifs trouvent le voyage vraiment agréable. Ils répondent volontiers aux questions de l’ancien contremaître du temple de Vaurec qui désire savoir comment était l’aspect géographique du canton à leur époque. Adamas avoue qu’il se souvient uniquement d’avoir gelé lorsqu’il passa sa première nuit sur une montagne, d’avoir eu très chaud et soif en traversant un désert pour finalement vivre quelques années dans un village construit avec les restes de verre de la cité. Sur Terre, cela s’appelle « bidonville. » Achiliam baisse les yeux lorsqu’il réalise que les véritables pionniers du canton n’ont pas eu la vie facile. Il se montre alors plus discret en disant joyeusement que les habitants d’Atlantis ont bien hâte de les accueillir au village. Gracia sourit et demande aussitôt au guide si la jolie maison qu’elle partageait avec Adamas est encore habitable et se fait rassurer à ce sujet puisque ses anciens voisins l’ont entretenu pendant leur absence.

Dès que les anciens fautifs aperçoivent les champs de blé d’Atlantis, ils abandonnent leurs charrettes pour s’élancer, tels des enfants excités dans ce paradis retrouvé. L’odeur d’un sol qui n’a jamais été souillé par le sang et la violence possède un véritable parfum de bonheur. Il est vrai qu’un champ de bataille passe à l’histoire avant celui qui nourrit les hommes, mais pour les nouveaux-nés, la véritable gloire revient à la nature qu’ils ont vu si souvent se faire détruire sur Terre. Étrangement, l’une des premières images qui surgit de l’inconscient lorsque Kana éveille un fautif, c’est le souvenir des champs de blé, de maïs, des vergers et vignobles qui ont toujours été les endroits les plus fréquentés par le peuple. Le fait de revoir ce coin de leur pays d’autrefois incite les immigrants terriens à se rouler dans les champs, à se caresser leur visage avec des gerbes de blé et même s’agenouiller pour embrasser le sol. Achiliam les examine d’un air ému et semble comprendre assez bien leur état d’âme à cet instant. Il doit tout de même venir leur dire qu’ils sont attendus au village. En effet, les Paysans et Connients sont rassemblés de chaque côté de la route pour accueillir le premier groupe d’anciens voisins. L’émotion est forte de part et d’autre. Les nouveaux-nés tiennent à se présenter par le nom qu’ils possédaient à l’époque pour justement faciliter ces retrouvailles. Une grande fête est donnée à leur honneur et ensuite la joie atteint son apogée lorsqu’ils retrouvent leurs anciennes demeures.

Adamas reprend officiellement ses tâches de Grand Superviseur d’Atlantis et ne surprend personne lorsqu’il annonce son futur mariage avec Gracia. Les Paysans sont assez éveillés sur la nouvelle planète pour comprendre que les anciens parents de Kana et Anak n’ont plus aucun liens familiaux avec eux. Avec le retour des anciens fautifs, il faut cesser de se fier aux simples apparences sans quoi le peuple passera son temps à tenter de comprendre la logique d’un Anak qui vit dans le corps d’un enfant, de son jumeau qui conservera un corps de vieillard en revenant sur Arkara alors que ses anciens parents sont devenus deux jeunes tourtereaux qui désirent s’épouser de nouveau et même avoir des enfants. Que dire des anciens voisins que personne ne reconnaît malgré qu’ils soient véritablement ceux qui furent exilés autrefois? Ils parlent toutes sortes de langues, sont de différentes couleurs de peau et surtout de cultures pratiquement inconnues des Arkariens. Par contre, la sagesse et les expériences de vie des nouveaux-nés fascinent le peuple. Même si la secte d’Alba tente un jour de renaître de ses cendres sur cette planète, elle ne pourra jamais compter sur la naïveté des anciens fautifs qui tiennent à préserver un paradis reconquit par la souffrance. Ils seront toujours là pour protéger les Arkariens contre les ennemis du bonheur.

Des passants découvrent que les empreintes de mains laissées dans une grosse pierre par l’Enfant de la lumière suintent à grosses gouttes. Ils s’agenouillent un moment pour pleurer puisqu’ils reconnaissent par ce signe que Ba-Fon vient de quitter Arkara dans le but d’accomplir sa mission sur Terre. La nouvelle de son départ donne lieu à un immense rassemblement devant le Cœur royal où chacun médite en songeant à la souffrance que devra supporter un être qui brille par sa bonté naturelle. Le pauvre Maître de l’Amour arrive malheureusement sur la bille bleue à une époque très noire où les conflits nucléaires, la pollution, la famine et la violence viennent d’atteindre un sommet monstrueux. Alba est sur le point d’obtenir ce qu’il a toujours voulu finalement : l’autodestruction de l’Humanité. Ba-Fon ne désespère pas malgré que tout laisse présager la fin du monde. Il a déjà prévu une terre d’accueil pour les Entités qui vivront bientôt dans une autre dimension et même sur une planète identique à la Terre. Par contre, ce monde n’est pas pour Alba et sa secte de malheur. C’est pour cela que l’Enfant de la lumière est confiant dans sa victoire alors que les Terriens ont baissé les bras devant un système destiné à contrôler et déshumaniser l’Homme. Le conteur Midinibus a vu dans un cauchemar les trois jours de Ba-Fon sur Terre. Ce qu’il raconte dans « le premier jour », « le deuxième jour » et « le dernier jour » n’est pas un fait historique comme tel sauf que le véritable scénario de la fin du monde risque d’être aussi aberrant si l’Homme ne redresse pas la barre de son navire avant d’atteindre la chute fatale. Il décrit ici ce que Ba-Fon a vécu pendant ces trois jours ténébreux. Nous allons raconter la fin du monde en sachant fort bien qu’elle fut “temporaire”. Les dates mentionnées n’ont aucune importance puisque personne ne sait si l’Humanité changera sa façon d’être d’ici cinquante ans. Nous avons tous eu des cauchemars concernant une possible guerre universelle. Nous n’inventons rien de nouveau, sauf que nous osons raconter ce que nous ressentons au fond du coeur. Il s’agit d’un sombre tableau de la fin du monde “ des grandes civilisations ”et non de l’Humanité comme telle. Par contre, il faut être réaliste lorsqu’on imagine ce qui risquerait de se produire au cours de conflits armés impliquant des missiles nucléaires. Les trois derniers jours représentent le début de cette guerre, les résultats de celle-ci et finalement la grande défaite universelle puisqu’il ne pourrait y avoir un gagnant et un perdant. C’est notre opinion et non celle des spécialistes en stratégies militaires.

Le premier jour

L’air de la planète Terre était devenue suffoquant à cause des nombreux missiles nucléaires qui éclataient au-dessus des grandes cités à travers les continents. C’était finalement une guerre universelle et plus aucune nation ne savait comment s’y prendre pour y mettre un terme. La coalition des pays arabes l’avait provoquée mais les Chinois s’étaient mis en tête d’occuper les rares pays encore épargnés par la pollution des armes atomiques et bactériologiques qui pleuvaient de partout à travers le monde. Cette guerre fut surnommée : guerre d’usure car les armes n’étaient plus dirigées vers des ennemis en particulier, mais simplement vers l’ancien désert de Gobi, situé en Mongolie. Les nations se faisaient une guerre d’usure en cherchant à se rendre maître d’une base souterraine ayant déjà servi à L’ORGANISATION DU NOUVEL ORDRE MONDIAL. On la disait imprenable puisque tous les pays affiliés à l’O.T.A.N, s’étaient mis d’accord pour rassembler leurs puissances militaires et technologiques au coeur de ce désert. Toutes les armes stratégiques s’y retrouvaient et faisaient de l’Otan un genre de TITANIC impossible à vaincre militairement. Le but initial de cette base secrète était stratégique en soi puisqu’elle avait fonction de décourager les puissances engagées dans un conflit nucléaire. Au départ, des missiles INTERNATIONAUX sortaient de cette base pour détruire les armes des pays récalcitrants avant que la guerre devienne mondiale. Même la Chine et la Russie se joignirent à la défense de la planète en offrant plusieurs armes sophistiquées à l’O.N.O.M ( Organisation Du Nouvel Ordre Mondial.)Vers les années 2040, plusieurs nations arabes s’allièrent pour détruire la puissance américaine et européenne. L’Angleterre et la France subirent une défaite militaire terrible car les missiles ennemis laissèrent des populations entières sans abris, sans eau et sans électricité. La plupart des pays voisins accueillirent des millions de réfugiés, mais le maître des pays arabes décida de porter un grand coup à la race européenne en lançant cinq missiles porteur d’un virus encore inconnu des scientifiques étrangers. Il portait simplement le numéro 6. Les Européens ripostèrent à ces armes bactériologiques en détruisant Jérusalem, le 6 juin 2036. Même si Israël était un pays allié, il fallut lui faire souffrir les horreurs d’une telle attaque puisque ce lieu saint était également revendiqué par tous les autres pays arabes pour des raisons religieuses. En détruisant cette ville, c’était toute l’histoire de la nation islamique que l’on mettait en cendres. L’effet psychologique s’ensuivit, exactement comme si dix mille bombes atomiques étaient tombées sur l’Orient. Les Israélites ne purent pardonner cette attaque des Européens et s’allièrent aux nations longtemps considérées comme leurs ennemis.

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